Soudan : plus aucun séminariste après une année de guerre
Le 15 avril, le Soudan célébrera le premier anniversaire du début de la guerre civile dans le pays. De nombreux missionnaires et communautés religieuses ont dû quitter le pays et les paroisses, hôpitaux et écoles ont cessé leurs activités. Le séminaire préparatoire de Khartoum a dû fermer ses portes. Au Soudan du Sud voisin, l’Église est active en aidant les réfugiés et en aidant les séminaristes du Soudan à poursuivre leur formation, avec le soutien de l’Aide à l’Église en Détresse (AED).
Depuis un an, la guerre des généraux fait rage dans un pays déjà très affaibli. La population est à l’agonie et la petite communauté chrétienne réduite à peau de chagrin.
« Je demande à nouveau aux parties belligérantes d’arrêter cette guerre, qui fait tant de mal aux gens et à l’avenir du pays. Prions pour que des voies de paix soient rapidement trouvées pour construire l’avenir du cher Soudan », suppliait le pape François lors de l’Angelus du 18 février dernier.
Depuis le 15 avril 2023, de violents combats opposent l’armée soudanaise commandée par l’actuel président de transition, le Général Abdel Fattah al-Burhan et les Rapid Support Forces (RSF), un groupe paramilitaire dirigé par le vice-président Mohammed Hamdan Dagalo, alias Hemedti. Ces deux protagonistes avaient conjointement renversé le gouvernement de transition mis en place après l’éviction du dictateur Omar el Béchir en 2019. Aussitôt ce dictateur renversé, les deux camarades de lutte se sont déchirés sur les sujets de l’intégration des RSF dans l’armée régulière et la répartition des richesses du pays. Le Soudan est le troisième producteur d’or en Afrique et Hemedti possède plusieurs mines d’or dans le nord du pays. Quant à son nouvel adversaire, il est associé à l’armée qui possède un grand nombre de biens immobiliers et d’entreprises de toutes sortes. Elle se montre réticente à les céder à un gouvernement civil qu’elle ne contrôle pas.
Aucun des belligérants ne cédant, l’avenir semble bouché. « La guerre des généraux » provoque la mort lente de la population soudanaise. Les derniers bilans officiels font état de plus de 13 900 morts et de 8,1 millions de personnes déplacées dont environ 1,8 million à l’extérieur du pays. « Face à l’intensité de cette guerre, de nombreuses personnes sur place se demandent comment les deux camps peuvent disposer d’autant d’armes après un an de combat et, par conséquent, qui les financent » déclare Kinga Schierstaedt, responsable des projets de l’AED au Soudan. La population meurt de faim et de soif alors que ce conflit est totalement oublié par une large partie de la communauté internationale.
Quant à l’Église sur place, elle est réduite à peau de chagrin. « Elle ne représentait avant la guerre que 5 % de la population, mais elle était tolérée et pouvait gérer quelques hôpitaux et écoles – même si elle n’était pas autorisée à parler de sa foi. » explique Kinga Schierstaedt. Après la chute d’Omar el Béchir, il y a eu quelques améliorations en termes de liberté religieuse et les peines prévues par le code pénal de la charia ont été abolies. C’est à ce moment-là que l’AED a financé et aidé à importer, notamment, une machine à hostie pour le diocèse d’El Obeid, ce qui aurait été impossible les années précédentes, poursuit Kinga Schierstaedt. Mais l’ouverture a été de très courte durée.
Même minoritaire, l’Église a toujours été pour la population un « havre sûr », et de nombreuses personnes se sont naturellement précipitées dans les églises au début de la guerre. Or, ce refuge lui-même devient fragile. De nombreux missionnaires et communautés religieuses ont dû quitter le pays, des paroisses, des hôpitaux et des écoles ont arrêté leurs activités. Le séminaire propédeutique de Khartoum, où les étudiants passent un an pour se préparer à leur formation sacerdotale, a dû fermer ses portes. Heureusement, certains séminaristes qui ont réussi à fuir, poursuivent actuellement leur formation dans le diocèse de Malakal, dans le Sud-Soudan voisin. Mgr Michael Didi, archevêque de Khartoum, qui se trouvait à Port-Soudan (sur le littoral de la mer Rouge) lorsque la guerre a éclaté, n’a pas pu retourner dans sa ville. Mgr Tombe Trile, évêque du diocèse d’El Obeid, a dû « emménager » dans la cathédrale, car sa maison a été partiellement détruite. Beaucoup de chrétiens ont fui à pied ou par le Nil et se sont installés dans des camps de réfugiés où la survie est une bataille quotidienne.
Aujourd’hui, l’existence même de l’Église du Soudan est remise en cause. « Mais », précise l’un des partenaires de projet dans le pays, « s’il est vrai que la guerre continue, elle ne peut pas éteindre la vie. 16 nouveaux chrétiens ont été baptisés à Port Soudan lors de la veillée pascale et 34 adultes ont été confirmés à Kosti ! Nous devons donc garder cette espérance au milieu des ténèbres. »
L’Eglise reste aussi très active au Sud-Soudan en aidant les réfugiés du pays voisin du nord et en offrant aux séminaristes de ce pays la possibilité de poursuivre leur formation, en partie grâce au soutien de l’AED. « Je reviens du Sud-Soudan, qui partage la même conférence épiscopale que le Soudan voisin et j’ai été émerveillée de voir à quel point certains prêtres, réfugiés eux-mêmes, déploient leur énergie dans la catéchèse de leur nouvelle paroisse et dans le soutien aux autres réfugiés. L’Eglise du Sud-Soudan aide les chrétiens soudanais à se préparer à la paix de demain », conclut Kinga Schierstaedt.
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