Syrie: Les 300 chrétiens du Crac des Chevaliers, un haut lieu du patrimoine de l’humanité

Le Crac des Chevaliers

11/04/2018 Louvain – Qalat’al Hosn est un village de la région de la vallée des Chrétiens, en Syrie, connu pour l’impressionnante forteresse qui le surplombe, le Crac des Chevaliers. Le site fait partie du patrimoine de l’humanité et constitue l’un des joyaux historiques de Syrie et un lieu qui attirait des gens du monde entier avant la guerre.

« Un groupe de salafistes et d’extrémistes musulmans, dont beaucoup sont originaires du Liban, a traversé la frontière qui n’est qu’à 30 kilomètres de là. Ils ont pris le contrôle de la forteresse et du village », raconte George Maamary, curé de la paroisse locale. « À leur arrivée, ils se sont dirigés vers l’église, où je vivais, sont entrés en faisant usage de la force et m’ont enlevé. Ils m’ont tabassé, et j’ai dû ensuite être opéré du dos. Dieu Merci, ma séquestration a duré peu de temps, j’ai été échangé contre un djihadiste qui était détenu par le gouvernement ».

Le village comptait 25.000 habitants, de différentes religions, principalement des  musulmans sunnites et chiites. Il y avait aussi 300 chrétiens, qui vivaient à proximité de l’unique église, Notre-Dame de l’Assomption, appartenant à l’Église catholique grecque.

Dès que la nouvelle de l’enlèvement du Père Maamary est parvenue aux oreilles des voisins chrétiens, ils ont tous quitté leurs foyers de peur que la même chose ne leur arrive. « C’était un avertissement. Par la suite, aucune famille chrétienne n’est revenue vivre ici ». C’était il y a plus de six ans.

Les groupes  rebelles ont voulu faire de la forteresse une seconde Palmyre. Un lieu historique, de renommée mondiale, ayant par ailleurs une très grande importance stratégique et sentimentale pour les Syriens. La forteresse a été endommagée par les groupes rebelles et par les combats, ainsi qu’une bonne partie du village. En 2014, le Crac des Chevaliers a été repris par l’armée syrienne. C’est le seul endroit, au sein de la vallée des Chrétiens, où il y ait eu des affrontements. Maintenant, cette région est devenue une zone où vivent de nombreuses personnes déplacées, car c’est un endroit plus calme, à l’intérieur du pays.

Père George Maamary

L’église et les maisons des chrétiens sont des endroits qui ont subi des pillages. « La vie de la communauté tournait autour de l’église. Nous avions un terrain de basketball et des locaux pour la catéchèse et d’autres réunions. Vous pouvez voir ce qu’ils sont devenus » dit le Père Maamary à une délégation de la Fondation pontificale « Aide l’Église en Détresse ». L’église est reliée à des locaux où il y avait autrefois un hôtel appelé « Jean-Paul II » qui accueillait les touristes venant visiter la forteresse. Il y avait également d’autres locaux, comptant jusqu’à 17 magasins : un restaurant, un café, plusieurs magasins de souvenirs et de cadeaux.

Après les combats, le conflit a continué. La vengeance des troupes gouvernementales alliées au gouvernement d’Al-Assad, de religion chiite, contre les sunnites, a été épouvantable. Le prêtre s’est alors hâté de revenir et de marquer les maisons des chrétiens avec des croix noires, afin que les militaires ne les incendient pas.

« Avant les affrontements, la convivialité entre chrétiens et musulmans était bonne » dit le Père George. La guerre a laissé une grande blessure qui prendra des années à cicatriser. « Maintenant, la sécurité est revenue dans la région, mais nous n’avons ni l’eau ni l’électricité ». C’est pourquoi les chrétiens n’ont pas encore été en mesure de revenir, bien que le village ait été libéré il y a 4 ans. « L’impuissance de ces familles est très grande, elles sont déplacées dans des villages de la vallée des Chrétiens, comme Marmarita et Kafra, à seulement 10 kilomètres d’ici, et pourtant elles ne peuvent pas encore revenir ».

Près de l’église de l’Assomption il y a plusieurs maisons qui ont déjà commencé à être reconstruites. L’une d’elles appartient à la famille de Bassam Maamary, cousin du Père George et prêtre lui aussi : « J’ai commencé à reconstruire la maison avec mon propre argent, pour montrer aux voisins qu’il est possible de revenir, qu’il y a de l’espoir ».

Un jeune du nom de Wagdi Yazzi les aide pour le câblage. Il est aussi d’Al Hosn. « Il ne manque plus grand-chose pour que nous revenions. Auparavant, nous avons besoin que le gouvernement remette l’eau et l’électricité ». « La vie ici était très agréable et calme. Nous avions des contacts avec des gens de nombreuses régions du monde et nous étions très ouverts ».

Un autre voisin apparaît au détour d’une ruelle. C’est Samir Bashur. Il dit qu’il travaille aussi à sa maison et vient de temps en temps pour réparer progressivement les dégâts. Il croit que pour que les gens reviennent définitivement, il faudra reconstruire l’église. « C’est un endroit très important pour nous, où nous célébrions ensemble les cérémonies les plus importantes, où nous nous rencontrions et priions avec notre curé ».

Le Père George assure qu’il n’a pas perdu le contact avec les familles. « Nous faisons l’impossible pour les aider au jour le jour et pour qu’elles puissent retourner chez elles ». Il remercie pour l’aide reçue à travers « l’Aide à l’Église en Détresse », qui a permis de s’occuper des personnes déplacées pendant ces années, et il espère aussi pouvoir bientôt commencer la reconstruction de l’église.

« Nous prions pour la paix dans notre pays. Nous prions aussi pour toutes les personnes qui, depuis leur pays, nous aident. Vous êtes tous invités à venir ici, nous avons besoin que les gens et les touristes reviennent ». Enfin, le Père Maamary remercie le Pape François qui a envoyé chaque année une aide directe aux familles et aux prêtres. « C’est un homme humble, il fait de grandes choses pour la Syrie, y compris par sa prière et ses messages de paix ».

Par Josué Villalón

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